EMR : miser sur la mer

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Actualités et conseils sur les carrières dans le grand ouest
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Publié le mercredi 13 juin 2018
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Le vent, la houle, les courants, les différentiels de température… La recherche et l’industrie française misent gros sur les sources d’énergies marines renouvelables (EMR), avec de nombreux emplois à la clé.

La France s’est fixé l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables dans sa production d’électricité en 2030. En 2017, leur part s’établissait à 18,4 %, selon les chiffres publiés par le Syndicat des énergies renouvelables (SER). Dans le détail, les énergies marines renouvelables (EMR) n’en représentent à l’heure actuelle qu’une infime partie, mais cristallisent de grands espoirs pour un pays qui possède le deuxième domaine maritime au monde et des milliers de kilomètres de côtes. À court et moyen termes, c’est l’éolien en mer « posé » qui devrait en constituer l’essentiel.

Éolien offshore, sous conditions

Alors que les éoliennes terrestres ont permis la production de 13 600 MW en 2017, les six premiers parcs éoliens français en mer lancés avec les deux appels d’offres publics de 2011 et 2013, sont censés produire 3 000 MW à partir de 2021. Ils sont porteurs, selon le SER, de 15 000 emplois indirects (dont une partie a déjà été créée), et doivent tous être implantés dans les régions du Grand Ouest : à Saint-Nazaire, Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc, Noirmoutier et Le Tréport. Un troisième appel d’offre est en cours, pour un supplément de production pouvant aller jusqu’à 6 000 MW à l’horizon 2023, « en fonction des concertations sur les zones propices, du retour d’expérience de la mise en œuvre des premiers projets et sous condition de prix », selon les termes employés dans le document de synthèse de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Or, c’est justement sur ces aspects, et après de longs recours et procédures administratives, que les deux premiers projets ont pris du retard, tandis que les technologies ont beaucoup évolué depuis et seraient désormais à même de produire une électricité à un tarif bien inférieur à celui qui avait servi de base aux subventions accordées à l’époque. D’où une procédure législative engagée actuellement par le gouvernement pour renégocier les tarifs, et à laquelle tout est désormais suspendu : la mise en chantier des premiers parcs, le développement de la filière et les emplois.

La R&D et l’export

À l’heure actuelle, ces emplois sont tout de même déjà conséquents dans les sites de recherche comme le SEM-REV de Centrale Nantes, les centres de R&D des grands groupes (Naval Group, STX France, Dassault Systèmes, ACB, Hydrocean, CEA Tech Pays de la Loire, GE Renewable Energy…), les multiples fermes pilotes et sites d’essais, etc. Par ailleurs, le groupe Siemens-Gamesa doit construire au Havre des usines destinées à la construction d’éoliennes pour certains des parcs français (750 emplois directs envisagés), tandis que d’autres groupes assurent déjà une production pour l’export : STX Europe Offshore Energy, spécialisé dans l’ingénierie et l’installation de constructions offshores dans le monde, ou General Electric, déjà implanté en France via les activités rachetées à Alstom Energie, et qui investirait 400 millions de dollars pour développer la plus puissante éolienne en mer au monde, baptisée Haliade-X (lire encadré page suivante). L’usine GE de Saint-Nazaire a aussi assuré l’assemblage des éoliennes du premier parc offshore américain de Block Island et produit actuellement pour la Chine et l’Allemagne.

Un nouveau souffle sur l’emploi

L’Observatoire des énergies de la mer souligne, dans son premier rapport de mars 2017, que « le nombre d’emplois en région devrait augmenter lorsque la construction des parcs commerciaux posés et des fermes pilotes démarrera. » En attendant, les premiers parcs éoliens français induisent déjà 400 emplois directs et leur réalisation devrait, selon le SER, entraîner la création de 15 000 emplois directs et indirects, en redynamisant au passage des secteurs et des métiers existants, justement parce que le développement des EMR fait appel à des compétences et des industries de pointe déjà présentes sur le territoire : les métiers concernés relèvent, pour la plupart, des secteurs de la construction navale, de la métallurgie, de la mécanique ou de l’électrotechnique. Lorsque les EMR prendront véritablement leur envol en France, elles impliqueront la redéfinition de certains métiers d’ingénierie, comme le souligne Gérard Podevin, du Centre de recherche en économie et management * : « Certains métiers (…) nécessiteront un profond réagencement d’activités et de domaines de savoirs (électronique de puissance, mécanique, hydraulique, automatisme, informatique pour l’essentiel), jusque-là souvent éclatés entre différents métiers. Ces métiers recomposés correspondent à de nouvelles démarches d’ingénierie des processus industriels qui supposent des approches multidisciplinaires où différents domaines, loin d’être juxtaposés, deviennent au contraire fortement imbriqués. Le métier emblématique de cette recomposition est celui de mécatronicien. » Les perspectives et débouchés liés aux EMR incitent aussi à la redéfinition des formations, jusqu’aux écoles d’ingénieurs qui créent des options spécifiques pour de futurs professionnels susceptibles d’intervenir sur l’ensemble de la chaîne de valeurs (composants, génie civil, ingénierie, transport, maintenance…), tandis que des modules de formation continue permettent aussi aux personnes en activité de compléter leur formation avec des modules EMR (École Centrale de Nantes, ENSTA Bretagne, à Brest). Enfin, les intérêts de tous les acteurs des EMR – et notamment ceux liés à la formation ou à l’emploi – convergent au sein de clusters ou de pôles de compétitivité : Neopolia EMR, Bretagne Pôle Naval, Breizh EMR, Pôle Mer Bretagne Atlantique, France Énergies Marines, West Atlantic Marine Energy Center...

La plus puissante éolienne offshore au monde

Haliade-X est une turbine à entraînement direct développée par GE Renewable Energy. Haute de 260 m et équipée de pales de 107 m, elle aura une capacité de 12 MW, soit 45 % de plus que les générateurs actuels. Sa technologie, son élaboration et sa production seront assurés majoritairement dans les établissements français du groupe, modernisés pour l’occasion : celui de Saint-Nazaire, qui produira les nacelles, fera l’objet de 60 millions de dollars d’investissements sur les cinq prochaines années. Celui de Cherbourg (LM Wind Power), qui fabriquera les pales, inaugurera une nouvelle usine cette année, dans laquelle GE investit 100 millions de dollars. Elle devrait induire, à terme, 550 emplois directs (déjà en cours de recrutement, notamment via le site www.ge.com/fr/carrieres/) et 2 000 emplois indirects.

Interview

Benoît Leroux
Business & Project Manager, Neopolia EMR

Quelles sont les spécificités des EMR en termes de métiers ?

Par rapport à ce que connaissent déjà les entreprises de la région impliquées dans le naval, il va falloir s’adapter à des conceptions complètement différentes. Un exemple : un bateau doit pouvoir tenir en mer et revenir facilement au port pour de la maintenance, tous les trois à cinq ans. À l’inverse, pour l’offshore pur, il faut concevoir des équipements capables de résister en moyenne 25 à 30 ans en mer. En termes d’ingénierie et de fabrication, cela implique un cahier des charges beaucoup plus draconien, des technologies bien plus robustes et surdimensionnées et une logistique considérable pour l’installation.

Des entreprises de votre région y travaillent déjà, pour du matériel destiné à d’autres pays…

General Electric et STX sont les plus importantes entreprises du secteur sur le territoire français, et elles entraînent avec elles de nombreux sous-traitants. C’est en sous-traitance que la France est la plus présente actuellement sur ce marché hyper concurrentiel. Cela représente un véritable challenge pour nos entreprises, qui vont devoir assurer sur toute la chaîne de valeur.

Quelle est la situation de l’emploi et quels profils sont recherchés ?

Concernant les cadres, les entreprises demandent des profils d’ingénieurs expérimentés. Les étudiants en fin de cursus trouveront peu de débouchés en France à l’heure actuelle. Il leur faudra faire leurs armes à l’étranger avant de revenir en France où, dans un contexte de démarrage des activités EMR, les entreprises ne peuvent se permettre d’embaucher des débutants.